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Petite Histoire des étangs et des marais

Brigitte Fouriot

3 mars 2025

Les inondations de plus en plus fréquentes des régions où les marais sont abondants ( Nord, Pas-de-Calais, Bretagne, Vendée,…) ont amené à s’interroger : Qui entretenait ces milieux humides  ? Pourquoi ces inondations ? Depuis quand ?


Les milieux humides sont les marais, les marécages, les tourbières et les étangs. Ils peuvent être d'origine naturelle ou anthropique (créés par l'homme). Ils sont recouverts d'eau de façon permanente ou temporaire.

Les marais ont une très mauvaise image : lieux mortifères où l’air est corrompu (mal’aria), où on souffrait de fièvres (le paludisme). On retrouve ces descriptions dans la littérature (par exemple La Mare au diable de G.Sand, les Lettres de mon moulin de A. Daudet) dans la peinture, et même la toponymie (Tremblevif, Tremblay…) Tout est piège, les trous d’eau, les feux follets, le bestiaire maudit (brochet vorace, batraciens visqueux, anguille) et les créatures du marais belles mais dangereuses.


Les marais sont domptés d’abord par les moines cisterciens sous la houlette de Bernard de Fontaine, abbé de Clairvaux (1090-1153) qui prône la pauvreté, le silence, le travail manuel. Soixante huit abbayes filles seront créées, toutes dans un milieu humide (Bellevaux, Clairefontaine, Vauclair….)

Il faut contrôler le niveau de l’eau, la canaliser, la retenir (dans les étangs), éventuellement l’évacuer pour assécher.

On crée des canaux qui drainent l’eau, les watergangs, dans le Nord de la France, Belgique, Pays-bas. Agencés en damier, ils délimitent des parcelles desséchées de 800m de côtés, appelées terrier qui devient l’unité de base de l’exploitation . L’eau des canaux est collectée dans un réseau +/- circulaire : les waterings

On crée des digues pour fermer le marais et empêcher l’eau d’entrer ( eau douce ou eau salée) ; elles doivent pouvoir arrêter les marées ou les fortes crues. On assèche le marais grâce à des moulins à vent (moulins d’exhaure) technique mise au point par les Hollandais au 15éme siècle  : une vis d’Archimède mue par les ailes fait remonter l’eau dans un canal situé plus haut que le marais. Le plus souvent l’évacuation est réalisée par gravitation (petits canaux dans grands canaux puis dans rivière ou mer )


Vivre dans le marais est difficile, mais les ressources existent si on s’en donne la peine.

On pêche les grenouilles capturées avec un filet en demi cercle ’et on les vend vivantes en gros au marché.

On pêche les sangsues ; chaque pharmacien avait dans son officine un bocal de sangsues vivantes utilisées, entre autre, pour la décongestion sanguine. On les capturait à la main, ou bien elles se fixaient sur la peau ou sur un appât.

En Gironde, 19 ème siècle, un étang pouvait fournir 15 000 sangsues par jour, chaque pêcheur pouvant en récolter 500 à 600 par jour. Entre 1827 et 1850, on passe de 33 Millions à 100 Millions d’unités par an.


On pêche aussi l’anguille et la carpe, poissons très résistants qui supportent les voyages hors de l’eau et sont transportés vivants sur de longues distances.

La tourbe permet aux populations pauvres de se chauffer. Le maximum de la production en France est atteint au cours de la première moitié du 19 ème siècle ( 600 000 tonnes de tourbe sèche, en 1845) L’extraction est très pénible.

L’artisanat est une autre ressource : l’osier (vannerie), le roseau (bourrines vendéennes par exemple), et la salicorne (savon de Marseille, chimie) sont exploités.

Si les gagne-petit braconnent, les marais sont un terrain de chasse pour les rois, les princes puis les bourgeois.

Chambord est bâti sur pilotis dans des marais, c’est un rendez vous de chasse.

De même Versailles, relais de chasse près de terres marécageuses qui seront drainées pour faire le Grand Canal. Ces constructions font beaucoup de morts de fièvres paludéennes

Les bourgeois remplacent au 19ème les nobles ; les Parisiens en Sologne, les Lyonnais dans les Dombes et la Camargue.

Une activité agricole est aussi possible : Jusqu’au 19ème, l’étang est vidé tous les 3 ou 4 ans et mis en culture céréalière de bon rendement pendant 1an. Marais et vallées humides fournissent aussi un fourrage de bonne qualité. La maraîchine, vache des marais, qu’on déplace en bateau plat donne une viande appréciée.

Les produits maraîchers étaient destinés aux marchés urbains. Pour un bon rendement, on l’enrichit en fumier de cheval grâce à la présence d’une cavalerie civile ou militaire à proximité.

Ex : les hortillonnages d’ Amiens, les marais de Bourges., marais de St Omer.

Le bois est une richesse du marais : pour l’usage courant on utilise le frêne ( planches, manches d’outils, chaises...), le bouleau , le saule, l’aulne et le peuplier : blanc de Hollande, et noir d’Italie . Ce dernier fut introduit en France en 1749 planté le long du canal de Briare , arbre fétiche des sylviculteurs au 18ème et 19éme S, il devint l’arbre de la liberté sous la révolution.

Plus tard, plantation spéculative et conversion des marais en peupleraies.

Les étangs permettent aussi les lâchers d’eau indispensable au flottage qui emmène les arbres du Morvan vers la capitale.



Un lâcher d'eau des étangs entraine les bûches

D’autres produits sont très lucratifs : la pisciculture, en particulier la « carpe aux œufs d’or », « l’or blanc » c'est à dire le sel, le riz.


La vie dans le marais impose une solidarité certaine pour l’entretien des berges, des canaux…En Flandre, un watergraf désigné par les abbés établit un calendrier pour curer, pâturer, tourber, consolider les digues. Dans le marais poitevin, c’est le maître des digues.

Les marais sont aussi une terre de refuge ( prêtres réfractaires, insoumis, conscrits refusant de partir à l’armée) et une terre de conflits (niveau de l’eau, pollution, chasse…)


Les marais sont aussi impactés par les aléas de l’Histoire, par exemples : En 1793, des nombreuses digues furent détruites pour vider les étangs appartenant aux monastères.

Fin 19ème Ernest Solvay aménage en Camargue le village de Giraud  qui devient Salin de Giraud. Il créera l’industrie chimique basée sur l’exploitation du sel : Péchiney et Solvay.

A la même époque, on veut voir dans le marais un conservatoire des traditions Ex : la Camargue :

Le marquis Folco de Baroncelli Javon s’y installe , il est écrivain et manadier et « invente la Camargue »; il sélectionne de manière arbitraire les traditions les plus mythiques et même il en crée  (jeux de fêtes gardianes), fixe les règles de la course camarguaise, dessine les costumes des gardians, s’appuie sur une « tradition » : la tauromachie (en fait, récente car introduite en France 50 ans plus tôt en l’honneur d’ Eugénie de Montijo).

Il fait la connaissance de Buffalo Bill et participe à ses spectacles. Gardians et taureaux participeront aux premiers westerns tournés.


Les guerres n’ont pas épargné les marais, ils ont un rôle préventif ou défensif : on rompt les digues pour créer des inondations ( ex l’Yser en 1914), on y construit des citadelles dotées d’un système de défense par inondation (ex : Citadelle Vauban à Lille)



Inondation de la plaine de l'Yser


Progressivement les marais disparaissent car ils perdent leur utilité et ne sont plus rentables : le chemin de fer permet de transporter rapidement le poisson frais, le charbon remplace la tourbe, la pasteurisation et l'appertisation remplacent le sel, l’artisanat se démode. Un autre paysage apparaît : terres labourables, comblement des canaux…..


Aujourd’hui, le renouveau du goût pour le local et le naturel semble freiner l’asséchement des milieux humides et leur importance est de mieux en mieux reconnue :limiter les inondations, absorber les gaz à effet de serre, aider les oiseaux dans leur migration et préserver la biodiversité de ces milieux si particuliers.


Bibliographie :

La mémoire des Etangs et des Marais par J.M. Derex (éditions ULMER)

Derrière chez moi, il y a un étang par R. Billard (éditions QUAE)

Revue : Bourgogne Nature Junior N° 14

Site internet : pole-mh-bfc@cen-franchecomté.org pour les milieux humides

Pour le flottage : .hhttp://lemorvandiaupat.free.fr/flotteurstml et http://www.louvetière.fr



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