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Echanges autour
du Loup et du Lynx

Hervé Bouard *

6 oct. 2025

Pourquoi parler de ces deux espèces ? Toutes deux sont de retour sur notre territoire bourguignon depuis relativement peu de temps. Elles font parler, beaucoup parler et H.Bouard a proposé un moment d’échanges sur ces deux espèces à partir d’éléments concrets, sur des bases scientifiques.

Pourquoi parler des ces deux espèces ?

Elles sont bien présentes en Bourgogne, mais de façon plutôt récente et très limitée. Ça ne les empêche pas de faire parler d’elles. Ces grands prédateurs sont capables de s’attaquer aux plus grands herbivores de la région, mais aussi au bétail. Et c’est là que tout le monde s’empare du sujet. Ça fait les gros titres de la presse régionale, pas toujours dans la nuance. Ça rassemble les élus pour la défense de l’élevage. Ça interpelle les amoureux de la nature. Ça mobilise les services de l’état… Bref, tout le monde en parle, et pourquoi pas nous ? Ce moment ne se conçoit pas comme une conférence, mais comme un échange, à partir d’éléments de connaissance validés qui sont présentés et discutés.


Un petit historique de leur présence

Le loup était sur Terre avant nous, depuis 400 000 ans environ. Ses relations avec l’espèce humaine n’ont pas toujours été les mêmes. Ils se sont réciproquement apprivoisés, en tirant sans doute tous deux des bénéfices. Nos chiens domestiques résultent de cette domestication progressive, leur génome actuel n’a qu’une variabilité de 0,2% par rapport au loup. Certains se sont laissé apprivoiser, d’autres non. De présents partout en France à la fin du XVIIIème siècle, ils ont été complètement éradiqués au milieu du XXème. Et puis, en 1992 un couple est observé dans le Mercantour : retour du loup depuis les populations italiennes en expansion. Non, il n’a pas été réintroduit sur le territoire, comme certains le disent, mais quelques individus « disperseurs » ont fait fi des frontières pour se retrouver dans les Alpes françaises, massif qu’il a colonisé en quelques dizaines d’années. Ce territoire étant maintenant occupé, les jeunes se dispersent dans les régions voisines. C’est comme ça qu’on l’a retrouvé dans le Jura, puis dans nos départements bourguignons où des individus passent régulièrement, provoquant des dégâts dans nos élevages. Dégâts bien réels, très choquants pour l’éleveur, mais qu’il ne faut pas oublier de relativiser par rapport aux autres causes de mortalité dans ces mêmes élevages.




Pour le lynx, l’histoire n’est pas exactement la même, même si le début est assez semblable avec une présence partout au moyen âge. Le « loup-cervier » a été chassé et éradiqué assez rapidement. Des réintroductions chez nos voisins Suisses, puis dans les Vosges et en Allemagne plus récemment (2015) ont permis la reconstitution d’une population française essentiellement liée au massif jurassien avec quelques îlots dans le nord des Alpes et dans les Vosges. Depuis le massif jurassien en particulier, des jeunes partent pour se trouver de nouveaux territoires, c’est comme ça qu’on en signale, maintenant assez régulièrement, en Bourgogne. Eux aussi peuvent s’attaquer au bétail, notamment aux moutons, c’est comme ça qu’ils se font remarquer. Sinon, c’est plutôt une espèce très discrète.



Transmettre les observations

Allez-vous croiser ces animaux ? C’est possible, mais assez peu probable. La reconnaissance du lynx ne doit pas poser de problème pour ce « très grand chat » à la queue courte et terminée par un manchon noir. Pour le loup, c’est plus complexe, une silhouette de canidé vue de loin, ou qui traverse la route devant vous, n’est pas nécessairement évidente à identifier comme un loup. Des races de chiens bien spécifiques peuvent largement prêter à confusion. Même chose pour les empreintes de pas de gros canidés, la distinction avec celles de chiens est complexe et pas toujours possible. Par contre, il est intéressant de signaler vos observations à l’OFB (Office Français de la Biodiversité), soit directement, soit en passant par un correspondant du réseau loup-lynx dont je fais partie. Vous pouvez donc me contacter en direct et je ferai remonter votre observation.



Quelques éléments de discussion

Maintenant, les questions restent nombreuses et certaines ont alimenté nos échanges. Loup et lynx sont deux espèces protégées, mais le loup vient de voir une modification de son statut au niveau européen qui devrait se traduire dans la loi française. Comment ? Pour l’instant, on ne sait pas trop.

Malgré sa protection, dans des conditions très précises, le loup peut-être abattu s’il s’attaque de façon répétitive à des élevages. Est-ce une méthode efficace sachant que le loup abattu risque d’être très vite remplacé par un autre ?

La attaques dans les Alpes, région où le loup est installé depuis longtemps, ont tendance à diminuer, alors qu’elles sont en augmentation dans les zones de colonisation périphériques. Les mesures de protection (chiens, clôtures, surveillance…) y sont mises en place de façon bien plus systématique et depuis longtemps. Mais ces mesures sont elles adaptées à des techniques d’élevage différentes comme dans notre région ?

Faut-il interdire le loup et le lynx en Saône-et-Loire ? Je ne plaisante pas, certains en parlent. Plus sérieusement : ils sont présents et on va devoir faire avec. « Le loup ou la préservation de notre élevage, il faut choisir ». Ce n’est pas moi qui le dis, mais on peut le lire ou l’entendre. Cela manque singulièrement de nuance. Le loup est présent dans beaucoup de régions où il y a de l’élevage et il n’a jamais disparu d’Italie ou d’Espagne, nos proches voisins. Comment le dissuader de prélever dans les troupeaux alors que la faune sauvage est très largement suffisante pour supporter sa prédation ? Comment adapter nos méthodes d’élevage pour faire avec à sa présence ?

Rien n’est simple. On commence maintenant à percevoir la complexité infinie du monde vivant. Il va falloir admettre qu’on ne peut pas s’en extraire sur une simple déclaration d’intention. La biodiversité est fondamentale pour la survie de l’espèce humaine, son érosion nous le montre tous les jours. Le loup est là, le lynx est là, l’humanité est là, on vit ensemble sur une même planète.


Hervé Bouard

*Administrateur de la SHNA (Société d'Histoire Naturelle d'Autun)

Délégué aux  Comités Grands Prédateurs de Côte d'Or et de Saône-et-Loire,

Correspondant du réseau Loup-Lynx de l'OFB (Office Français pour la Biodiversité),

membre d'un groupe Grands Carnivores de la SFEPM (Société Française d'Etude et de Protection des Mammifères).

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