top of page

Contribution à l’inventaire des insectes "endo-phytophages"
de la commune de GRANGES  en Saône & Loire

 par Jean BEGUINOT,
Société d’Histoire Naturelle du Creusot
DSCN2819bis.JPG
Aperçu de l’un des sites les plus riches de la commune : site "h"
‘haies hautes en bord chemin au NE du Bois de Chasseigne’ © Jean Béguinot
 

En tant que contribution à l’Atlas de la Biodiversité Communale (A.B.C.) de Granges en Saône & Loire, le présent inventaire cible une catégorie particulière de faune entomologique, rassemblant des insectes nouant des relations particulièrement intimes et élaborées avec les végétaux qu’ils utilisent : insectes soit foreurs de mines foliaires, soit inducteurs de cécidies (‘galles’) résultant d’une remarquable capacité à manipuler la morphogénèse locale de l’hôte, aptitude sans équivalent dans le reste de la faune entomologique. De plus, ce groupe, au demeurant peu connu du public, est considéré par les spécialistes comme particulièrement apte à « apporter davantage d’éléments aux décideurs lorsqu’il s’agira de choisir les sites à protéger ». Avantage évident dans le cadre d’un Atlas de la Biodiversité. Le présent inventaire de ce groupe (ici également étendu aux Acariens) rend compte de la présence de 109 espèces incluant 49 Lépidoptères, 23 Diptères, 21 Hyménoptères, 5 Hémiptères, 2 Coléoptères, ainsi que 14 espèces d’Acariens. A signaler notamment l’occurrence d’une espèce d’Hyménoptère qui n’avait jamais été citée jusque ici en Bourgogne : Andricus grossulariae Giraud, remarquable espèce cécidogène inféodée aux Chênes. Ce qui souligne le potentiel inattendu que peut recéler la biodiversité locale d’une commune, y compris dans une ambiance qui ne semblerait pas a priori s’y prêter : ici, dans la bande arborée jouxtant immédiatement l’usine de traitement des déchets implantée sur la commune.

Introduction
Il n’est évidemment guère envisageable - dans le cadre forcément restreint des Atlas de type « A.B.C. » - de réaliser un inventaire, même non exhaustif, de l’ensemble de la faune entomologique communale. Il convient donc de faire un choix sélectif, au sein de ce vaste ensemble, soit en s’adressant à la faune des insectes les plus communs et spectaculaires, soit en considérant des groupements particuliers présentant des significations écologique ou éthologique particulièrement intéressantes. Le présent inventaire répond à cette seconde approche en se focalisant sur certaines des guildes entomologiques ayant noué des relations très spécifiques et profondes avec leurs hôtes végétaux (cf. Annexe 1), afin que ces derniers apportent à la fois ‘gîte et couvert’ appropriés aux stades larvaires de ces insectes inducteurs.
Il s’agira ici :
     - des insectes dits "mineurs", dont les larves forent des mines dans l’épaisseur des limbes foliaires ;
     - des insectes dits "cécidiens" dont les larves se développent au sein d’un véritable ‘hôtel-restaurant’ résultant de la mise sous-contrôle complète par l’insecte de la morphogénèse locale de l’hôte végétal, ce faisant afin d’aboutir à ce petit miracle bio-technologique que représente l’induction de ‘galle’ faisant donc office d’abri et de fournisseur de nutriments constamment renouvelés tout au long du développement du stade larvaire (cf. Annexe 2).

A l’intérêt biologique et éthologique que présentent ces deux guildes d’insectes s’ajoute le fait que l’ensemble couvre la plupart des grands groupes entomologiques (Coléoptères, Lépidoptères, Hémiptères, mais aussi Hyménoptères et Diptères presque toujours très faiblement inventoriés par ailleurs) et s’étend même aux Acariens phytophages, groupe d’Arthropodes généralement totalement négligé quoique cependant fort significatif lui aussi.
Sans doute cette focalisation sur la micro-entomologie – particulièrement peu familière au grand public – pourrait-elle paraître en contraste avec la philosophie première des Atlas communaux, visant à  prioriser le plus connu, le plus spectaculaire ou tout au moins le plus attractif vis-à-vis du public. Cependant, tout en étant une démarche d’éveil citoyen, les Atlas répondent aussi à l’objectif complémentaire de contribuer à développer les inventaires locaux – les plus délaissés en pratique. Ainsi, comme le souligne Benoît FONTAINE (FONTAINE 2011), chargé des ‘Programmes de suivi des inventaires’ au Muséum National d’Histoire Naturelle, «  les inventaires réelisés sur des groupes méconnus permettent d’apporter davantage d’éléments aux décideurs lorsqu’il s’agira de choisir les sites à protéger ». Et s’agissant plus précisément de l’un des groupes considéré ici – les espèces cécidiennes – Johannes ROSKAM, spécialiste mondial en la matière, confirme pleinement ce point de vue : “The wealth of galls represents the natural value of a site, among other characteristics. That provides useful nature conservation information" (ROSKAM 2019).
Le bilan du pré-inventaire conduit dans la commune de Granges en faveur de ce groupe entomologique (étendu, au-delà, aux Acariens) fait état de la présence de 109 espèces incluant 49 Lépidoptères, 23 Diptères, 21 Hyménoptères, 5 Hémiptères, 2 Coléoptères, ainsi que 14 espèces d’Acariens.
A signaler notamment
l’occurrence d’une espèce d’Hyménoptère qui n’avait jusque ici jamais été citée en région Bourgogne : Andricus grossulariae Giraud, espèce cécidogène remarquable sur le Chêne. Ainsi que la présence de deux espèces de Lépidoptères dont les occurrences en France ne sont signalées que depuis peu : Phyllonorycter issikii (Kumata) (BEGUINOT 2017) et Phyllocnistis valentinensis Hering (BEGUINOT 2021).

 

                                              Résultats détaillés d’inventaire


Liste des sites investigués sur la communes de Granges
a : frange de bois au SO de "Veolia traitement déchets"  
b : lisière & abords Bois de l'Ecot
c : haies le long chemin du "Quart Mignon"  
d : bord route 300 m  au N de Granges-vieux bourg  
e : frange de bois au NO de "Veolia traitement déchets"  
f : bord pré env. 50 m OON du carrefour "Croix de Fer"  
g : bordure route sur les 300 m à l'O du carrefour "Croix de Fer"  
h : haies hautes en bord chemin au NE du Bois de Chasseigne  
i  :  bord chemin forestier côté N-O du "Bois de la Collonge"   
j  :  chênes à intersection rue de la Tuilerie & rue de la Prairie   
k  :  bord chemin forestier côté O du "Bois de la Collonge"   
l  :  lisière O du "Bois de lz Collonge", en bord de route   
m  :  bord chemin forestier dans bois juste N-E de "Les Ponts"

                          Liste des espèces inventoriées et leurs localisations
« 1 » notifiant simplement la présence constatée par site (quelque soit l’abondance). « G » : espèces cécidogènes, « M » espèces foreuses de mines foliaires ; Acar : Acariens, Col : Coléoptères,
Dip : Diptères, Hem : Hémiptères, Hym : Hyménoptères, Lep : Lépidoptères,


 

Cet inventaire comprend 109  espèces; en voici 72. La totalité de ce relevé est disponible sur simple demande auprès de la SHNC.

Cosmopterix zieglerella  (Hübner, 1810)    © Rudolf Bryner – lepiforum.jpg
pic59847.jpg
Cosmopterix zieglerella  (Hübner, 1810)    © Rudolf Bryner – lepiforum
Phyllonorycter esperella  (Goeze, 1783)   © D. Laux – lepiforum
calo fid.jpg
32520_8.jpg
Caloptilia fidella  (Reutti, 1853)    © Heidrun Melzer – lepiforum
Phyllonorycter quercifoliella  (Zeller, 1839)   © Frank Stühmer – lepiforum
19203_6.jpg
DSCN2778.JPG
Cécidie induite par Andricus  grossulariae  Giraud   sur bourgeon de Chêne   © Jean Béguinot
Phyllocnistis valentinensis  (M. Hering, 1936 )  © Tina Schulz - lepiforum

Annexe 1
                        A propos du degré d’intimité des relations établies par les insectes
mineurs de mines foliaires et leurs hôtes végétaux respectifs
Les insectes foreurs de mines foliaires (comme les inducteurs de cécidies), effectuent leur développement larvaire à l’intérieur même des tissus du végétal qui les héberge et qu’ils exploitent. Chacun d’eux a donc naturellement établi des rapports très intimes avec sa (ou ses  quelques) espèce(s) végétale(s) hôte(s) préférentielle(s) ou exclusive.
Ces relations font couramment l’objet d’études (BEGUINOT 2023) qui sont en voie de mieux discriminer et de préciser quantitativement les  degrés d’intimité de ces relations insectes-hôtes.  Contribuant à éclairer, par là-même, la complexité et l’extraordinaire intrication des relations interspécifiques au sein des écosystèmes. Et permettant ainsi de tenter de mieux apprécier ce qui fait, selon les cas, tantôt la résilience et tantôt la fragilité de ces écosystèmes.
Questions évidemment majeures dans le contexte actuel des atteintes croissantes à l’intégrité des écosystèmes naturels et, conséquemment, à la biodiversité dans son ensemble.

Annexe 2            Quelques précisions complémentaires au sujet des insectes inducteurs de « cécidies »Parmi les nombreux types d’interactions entre animaux et plantes, l’induction par les insectes (et plus généralement par les arthropodes) de galles (= ‘cécidies’) sur supports végétaux occupe une place tout à fait originale, non seulement au sein de la faune entomologique elle-même, mais encore dans le monde animal considéré dans son ensemble.En outre, l’induction cécidienne et les processus complexes et encore mal compris qu’elle met en œuvre sont d’un grand intérêt potentiel futur, comme suggéré ci-après.Rappelons d’abord, pour mémoire, que cette activité des arthropodes ‘cécidogènes’ est à l’origine de ces remarquables formations végétales que sont les galles. Celles-ci, qui prennent souvent l’allure d’organes végétaux nouveaux, remplissent une triple fonction au service de la larve de l’arthropode inducteur qu’elles hébergent : 1°) nourricière, 2°) isolante vis à vis des contraintes micro-climatiques, enfin, 3°) protectrice (dans une certaine mesure) vis-à-vis des prédateurs, en particulier vis-à-vis des insectes parasitoïdes.Soulignons d’autre part que la manipulation de l’hôte végétal par le petit animal (insecte ou acarien), bien qu’encore imparfaitement comprise dans le détail de ses modalités, représente sans aucun doute une des évolutions les plus abouties et les plus remarquables de la biologie comportementale chez les animaux. L’induction cécidogène implique, en effet, non pas une intervention rigide de l’animal au niveau des gènes végétaux eux-mêmes (à l’instar de ce que sont nos méthodes actuelles ressortissant au ‘génie génétique’) mais - non moins efficacement et probablement bien plus souplement - la prise de contrôle plus en aval (par voie micro-chimique et parfois micro-mécanique) de certains aspects décisifs de l’expression des gènes régulant l’organisation des différents types de tissus végétaux. Ainsi, les arthropodes cécidogènes ont-ils en quelque sorte inauguré des pistes nouvelles en matière de manipulation ‘génétique’ subtile du monde végétal. En ce sens, les arthropodes cécidogènes s’avèrent susceptibles de constituer, dans le futur, de remarquables modèles suggestifs pour un génie génétique de demain, moins radical dans ses procédures que celui que nous connaissons présentement.

 

Références bibliographiques* BEGUINOT J. 2017 – Phyllonorycter issikii : une nouvelle espèce de micro-Lépidoptère en cours d’installation en France. Revue scientifique Bourgogne-Nature 24 : 97-99.* BEGUINOT J. 2021 – Phyllocnists valentinensis Hering 1936 et Ph. ramulicola Langmaid & Corley 2007, deux espèces mineuses en voie d’extension vers le Nord de la France (Lepidoptera Gracillariidae). L’Entomologiste 77(1) : 9-12.* BÉGUINOT J. 2023 –  A bias-controlled statistical procedure to highlight host-plant preferences and the resulting prevalences in phytophagous insects: illustrative case study with leaf-miners on Lamiaceae, Annales de la Société Entomologique de France (N.S.), DOI: 10.1080/00379271.2023.2252700* FONTAINE B. 2011 - La Quête du naturaliste. édit. Transboréal : 90 p.* ROSKAM J. 2019 - Plant Galls of Europe.  édit. ? KNNV Uitgeverij: 2300 p.2

bottom of page