Jean Béguinot
8 janv. 2024
Une projection ‘plaisir des yeux’, reconstituée au fil des récifs off Jakarta, en plein cœur du fameux ‘Triangle de Corail’ regroupant les écosystèmes marins les plus riches de la Planète.
« Carnaval » avant l’heure à la ‘Barboulotte’, lors de la première réunion de l’année. Mais Carnaval sous les chaudes eaux marines hébergeant les récifs coralliens tropicaux que fréquentent, mêlés les uns aux autres, des centaines et des centaines d’espèces de poissons aussi multiples de formes que variées de couleurs.
A leur égard le qualificatif de Carnaval n’est donc pas usurpé. C’est qu’il faut pouvoir se reconnaître sans ambiguïté, en tant qu’espèce singulière, au sein de cette multitude. Car une bonne part des poissons des récifs vivent – et se reproduisent – par couples. Il faut donc impérativement pouvoir se distinguer et s’identifier, et sans erreur, d’abord comme espèce, puis également, ensuite, pouvoir se mettre en valeur en tant qu’individu, le tout en vue de tenter de conquérir le (la) partenaire de son choix. D’où cette splendide et emblématique débauche de couleurs et de formes.
D’autres raisons y concourent également : avant de chercher à s’unir, encore faut-il avoir pu, ou su, échapper à l’appétit des prédateurs de toutes écailles, eux aussi omniprésents. C’est donc aussi un Carnaval de leurres et/ou de camouflages, tous remarquablement inventifs, dont témoigne la ribambelle des décors qui parent la plupart des poissons des récifs. Beaucoup d’inventivité sollicitée car il s’agit de conjuguer au mieux les contraires : se faire remarquer et bien reconnaître parmi les siens, tout en se planquant aux yeux des autres, les bien mal intentionnés.
C' est donc un panorama fort chatoyant qui fut présenté lors de cette projection de début d’année, à partir d’une petite sélection esthétique d‘espèces issues d’une série d’inventaires effectués par l’Université de Jakarta, au sein des eaux marines – de qualité variable selon qu’elles ont été plus ou moins affectées par la proximité des installations portuaires de cette besogneuse capitale de 11 millions d’habitants.
"Inventaires" était aussi, "un peu" le sujet du jour et, ici, l’occasion d’apporter quelques éclairages actualisés sur la rapide évolution méthodologique dont peuvent désormais bénéficier les inventaires des communautés d’espèces en général. Evolution leur permettant de franchir et dépasser le jusque-là traditionnel stade purement descriptif, pour atteindre l’étape ultérieure, interprétative, en l’occurrence sur le plan écologique. Progression du simple constat vers l’interprétation inspiré du dit constat. Progression qui témoigne bien, enfin, de la maturation d’une discipline restée trop longtemps à la traîne derrière les autres sciences de la Nature (au sens large). Mais sujet – il faut en convenir – plus aride et moins attractif pour le public que ne l’était le défilé de mode carnavalesque des résidents des récifs …